Il s'est maintenant passé deux mois depuis que j'ai quitté le doux berceau de ma mer natale pour explorer les eaux de la surface. En si peu de temps, j'en ai appris beaucoup plus que je n'aurais pensé devoir le faire et je suis devenu une personne nouvelle. Déjà. Quelques amitiés sont déjà nées, des partenariats et des perspectives d'avenir passionnantes, pour moi comme pour Ahioterir.

Comme il semblait logique de le faire, je me suis installé dans la cité sous-marine d'Ecumexy, qui vit d'une certaine symbiose avec la cité émergée. Un véritable symbole de réussite dont j'essaie de m'inspirer un peu plus chaque jour. Si les différences de culture sont évidentes, je retrouve auprès des Homme-Poisson d'Ecumexy un peu de chez-moi et la force d'avancer.

Aujourd'hui est un jour un peu spécial. Je me suis décidé, après avoir ressassé pendant plusieurs semaines qu'il me fallait être patient et prendre le temps de m'installer avant de penser à commencer le commerce. Les opportunités ne vont certainement pas se présenter d'elles-mêmes et il est grand temps que je prenne le destin de mon peuple en main.

C'est donc armé de la plus grande des déterminations que je me dirige vers le marché de la ville humaine d'Ecumexy. Il y a là de grandes échoppes colorées et des vendeurs en tout genre. Il est difficile de choisir par où commencer et, alors que tous les regards se tournent dans ma direction, je me gratte la tête. Il me faut une idée, et une bonne.

Soudain, au fond d'une allée, j'aperçois LA bonne idée. Ce qui ressemble de prime abord à un revendeur de métaux en tous genres, collectionneurs de barres en fer rouillées et d'outils en tout genre, cache en réalité une véritable merveille. Une chose inconnue et unique, que je n'ai vu nul part auparavant. Voilà ce dont j'ai besoin pour enfin montrer à mon peuple ce que la surface a à offrir de plus merveilleux.

Je m'avance d'un grand pas et m'empare de l'objet avant de le soulever devant moi pour le présenter au vendeur.

- Combien pour ce fabuleux trésor de la surface, mon bon monsieur ? Ce serait ma fierté de faire mien un tel chef d'oeuvre de la mécanique.

Il s'agit là d'une formidable machine sous forme humanoïde, les cheveux blonds et d'une précision si parfaite qu'on aurait pu croire à un véritable être de chair et d'os. Son bras mécanique, lui, ne trompe pas et à en juger par les mouvements qu'il tente d'exécuter entre mes mains, il est formidablement bien travaillé et ne souffre d'aucun problème de fluidité.

Je trouve simplement étrange qu'il se débatte tant et essaie de fuir, comme s'il possédait sa propre conscience. Je garde le sourire, afin de conclure cette affaire au meilleur prix. Le vendeur, lui, n'a pas l'air de comprendre ce que je lui dis.

Le chantier avançait lentement, et toute l'impatience d'Elijah n'y changeait rien. Cela lui laissait au moins du temps pour préparer son déménagement, son retour à Onéropolis, et également l'ouverture de sa boutique. Ceci dit aucunes de ses préoccupations ne motivaient sa promenade matinale. Il avait pris l'habitude d'explorer les multiples artisans de l'île, la situation particulière d'Ecumexy en faisant un foyer idéal pour l'innovation.
Il n'y avait pas mieux par exemple en matière de plongée sous-marine. Les systèmes de respiration aquatique regorgeaient d'inventivité. En ce moment il examinait une sorte de semi-masque alliant le tissu et le verre, relié à une algue qui, en théorie, permettrait d'extraire l'oxygène de l'eau. Les connaissances limitées de l'Ingénieur en botanique l'empêchaient de juger de l'objet, il restait toutefois en admiration devant la création d'un écosystème artificiel miniature capable de soutenir le végétal.

« Impressionnant, et dites-moi comment vous avez régGGLEEAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHH ! »

Sa voix s'envola subitement dans les aigus. Alors qu'une poigne intraitable s'était emparée de sa jambe droite, le blondinet renonçait temporairement aux bienfaits de la gravité. Tête en bas, son manteau couvrant son visage, il secouait maladroitement ses membres disponibles.
AGEAHHAJI ! Un cri lâché sous son manteau, alors que le corps lui continuait de s'agiter. A L'AIDE , hurla t'il, sans pour autant comprendre ce qui se passait. Ce fut à ce moment qu'il entendit cette voix. Un grondement digne du ronronnement d'un Tigre, une voix caverneuse, puissante, qui bien que dénuée d'agressivité activa automatiquement son cerveau reptilien.
Trois secondes d'immobilité, Elijah extirpa enfin sa tête du tissu. Souffle coupé. Un colosse noir et blanc le tenait par la cheville, un monstre de chair de plus de six mètres, propriétaire d'une dentition cruellement carnivore.

« NONNNNNNNNNNNNNNNNN ! SUIS TROP JEUNE POUR MOURIR ! NAHNAHNAHNAHNAHNAHNAH ! »

Un cri du cœur, suivit d'un léger bruit de turbines. Une lumière bleutée s'enroula autour du bras bionique d'Elijah, alors que son poing se refermait. Il parvint à poser sa main droite sur un énorme avant-bras, puis tout en gueulant à tue-tête, son appendice mécanique s'abbatit sur son geôlier. Le fracas d'un gong gigantesque, il ne se permettrait pas en temps normal d'utiliser autant de force sur un inconnu, mais là quand même... Un foutu cachalot, il pouvait bien se laisser aller !
Après une piteuse réception, le cyborg se retourna, encore accroupi, le visage teinté de rouge, et pointa d'un son index métallique le malfaiteur.

« S'PECE D'OTARIE OBÈSE J'SUIS PAS UNE P'TAIN D'POUPÉE ! »

Un cri qui résonna au travers du marché, déjà le marchand commençait à remballer ses marchandises, sentant venir l'embrouille. Les passants eux s'amusaient de la scène, maintenant toutefois une bonne dizaine de mètres de distance...

Une lumière bleue vient de s'allumer dans le bras de ma trouvaille. Le bruit d'un rotor, comme ceux que j'entends tourner parfois en traversant les chantiers du pays, s'élève lentement dans le silence et, avant même que je n'enregistre cette information, le poing d'acier du robot vient s'écraser dans ma mâchoire.

La douleur est à la mesure du son qui s'échappe du choc, entre craquements et fracas métallique. Je titube, tente de retrouver une forme d'équilibre en battant l'air des bras, mais rien n'y fait. Les connexions ne se font plus et je m'écroule lourdement, entrainant dans ma chute tout un étal de bijoux qui se tenait face au revendeur de trésors.

A travers les brumes temporaires qui se sont emparées de mon esprit, j'entends le cri du trésor humanoïde qui, selon toute vraisemblance, n'est pas véritablement un objet inanimé. Une otarie ?  Obèse ? Parle-t-il de moi en ces termes insultants ? Se rend-il seulement compte de l'offense qu'il vient de réaliser ?

- - Petit humain... J'aurais pu passer au-delà de ta réaction et du coup que tu as infligé à mon corps. Cependant...

Petit à petit, je me relève, les poings serrés contre les débris d'étal que j'utilise pour me soulever. Mon ombre grandit, s'étend dans la ruelle et, comme avant, envahit tout l'espace. Ma veste de costume glisse sur mes épaules et dévoile une chemise impeccablement taillée, ainsi que la musculature à peine cachée en dessous.

- Je ne suis ni une otarie...

L'énergie sombre des profondeurs, le Manaotenui, s'empare peu à peu de mon corps, tournoie comme une aura enflammée au dessus de mes épaules et avale peu à peu les marques blanches de ma peau. Léchée par la flamme des abysses, ma chemise disparaît et laisse définitivement mes muscles s'exprimer.

- Ni obèse.

Le coup part dans la foulée, dirigé directement vers le visage du robot, emprisonné dans une gangue noire brillante. Le son déchire les airs, vibre de la puissance emmagasinée alors que mon allonge démentielle s'approche de mon adversaire. Il aurait dû se lever. Ainsi accroupi devant moi, dans un espace aussi restreint, il fait une cible facile.

Personne n'a le droit de me traiter d'otarie. Et encore moins d'otarie obèse.

La colère exprimée fut rapidement ravalée. La voix caverneuse retentit de nouveau, bien loin toutefois de sa précédente bienveillance. L'air devient plus lourd, tandis que des mains énormes reconstruisaient une silhouette. Levant lentement la tête, la peur grignotant son visage, Elijah regrettait sa hargne.

« Mmmais... C'est que... Voyez-vous... »

Des excuses qu'il parvenait à peine à marmonner, baigné par l'ombre du colosse. La veste tomba, la foule s'écarta de plus belle, le marchand prenant carrément la poudre d'escampette. L'ingénieur lui restait accroupi, fasciné (ou paralysé) par ce prédateur. Car il s'agissait bien de cela, l'ire d'un prédateur, et l'un des plus terribles.
Il eut juste le temps de lever les bras avant l'impact. L'impression de se prendre un train en pleine figure. Ses avants-bras s'écrasèrent contre sa face, le verre brisé des lunettes s'enfonça dans sa peau. Projeté à son tour, bien plus que la géante otarie, son dos embrassa des étalages, son corps tout entier échoua sur le pavé.

Des lignes rougeâtres maquillaient son visage, son corps avachi refusait de se lever. Pourtant, au fond de ses yeux, une lueur dorée s'éveilla. Cela faisait combien de temps déjà ? L'adrénaline provoquée par la douleur, le rythme profond du cœur qui s'agite. Il posa à son tour sa main au sol, entamant une lente remontée.

« Aya... ça c'est un punch... »

Un ton enjoué, joueur ? Légèreté confirmée alors qu'il releva la tête, un énorme sourire déformant son visage. Oh oui, cela faisait si longtemps qu'il l'avait quasiment oublié. Il les entendait presque, les tambours de l'arène, les fantômes du passé. Et pour cela chère Otarie, il te remerciait.
Se relever d'un bond. Frapper les mains l'une contre l'autre. Son attention s'étira sur toute la place. Projection du Haki, il sentait non seulement chaque âme, mais chaque recoin. Pourtant sa cible était facile à trouver. Une présence contre laquelle il concentra sa volonté.

Posant sa main au sol, il plia sur ses jambes. Détonation, une ruée horizontale, tandis qu'il attrapait le rectangle posé dans son dos. Le métal fut projeté vers le haut, déploiement du Ragtime. Un autre bond, pieds et mains sur l'hoverboard, la tête en bas, Elijah filait vers sa cible.
Déjà le Fluide sensitif s'activait. Rechercher un coin tranquille, éloigné de la foule. Juste avant l'impact, le surfeur effectua une pirouette. De nouveau la tête en haut, il se plaça à l'arrière de la planche, laissant l'avant percuté le torse du colosse. Les réacteurs de l'hoverboard tournant à plein régime les menèrent tout deux vers la plage, plus loin, à l'écart.

« Ayaya ! Pardon le phoque, allez viens avec moi. »

Un ton enfantin décoré d'un sourire narquois, il assumait parfaitement sa provocation. Il prit toutefois d'arrêter les réacteurs du ragtime. Une poussée brutale vers l'avant, le nez de la planche s'enfonça dans le sable, le surfeur lui, à la suite d'un salto arrière, se réceptionna à ses côtés, sa main bionique maintenant l'objet à la verticale.
Ses yeux débordaient d'or, un léger ronronnement se dégageait de son cœur, ses vannes énergétiques s'ouvrant pour alimenter ses membres. Il observait toujours le géant, bien curieux de sa réaction.

« Aller je suis sûr que tu peux faire mieux que ça ! »

Résumé:

Fait suffisamment étonnant pour être noté, la drôle de créature mécanique et sentiente s'était relevée après avoir reçu mon coup de poing. A Ahioterir, pourtant, rare étaient ceux qui étaient capables d'un tel exploit. Je note dans un coin de mon esprit que j'aurais bien tort de sous-estimer les êtres vivants à la surface, surtout quand ils sont aussi étrange que celui-là.

Après tout, c'est la première fois que je rentre en conflit avec un être qui ne vit pas sous l'eau et cette terre n'est pas mon domaine de prédilection.

Le vrombissement mécanique se fait à nouveau entendre et, avant que j'ai compris pleinement ce qui se passe, un objet rectangulaire et métallique entre en contact avec ma poitrine, lancé à pleine puissance par le robot qui, tête en bas, semble s'amuser de la situation. Surpris, je dérape et quitte le sol un instant. Tout en essayant de retrouver un appui stable, je laisse l'engin m'emmener au large et mes pieds plantés dans le sol laissent derrière nous un nuage de poussière grossier.

Arrivé à la plage, à l'instant même où la surface plus meuble me permet de reprendre le contrôle de mon corps, il arrête sa machine d'enfer et se propulse au-dessus de moi avec la grâce d'un danseur. Je reste ébahi devant sa prouesse et, bien que légèrement meurtri au niveau du torse, je n'ai aucun mal à me tenir debout.

J'aurais honnêtement pu me contenter de cette démonstration pour entraîner mon adversaire sur un terrain plus diplomatique et envisager quelque accord commercial pour l'utilisation sous-marine d'une telle création, mais...

- Un phoque ?

Je sens un éclair traverser mes pupilles et mes mâchoires se contracter. S'il est certes amusant, cet ennemi a besoin d'une sérieuse leçon sur le respect. Leçon que, en tant que bon ambassadeur d'un pays civilisé et hautement développé, je me charge de lui dispenser.

- Laisse moi te montrer une chose dont ni les phoques, ni les êtres de la surface ne sont capables. Tu m'as prouvé que tu étais plein de surprises et d'innovations dont je ne connais rien, alors laisse moi te partager mon savoir, ancestral lui.

J'ouvre alors la gueule largement et, usant de toutes mes aptitudes vocales, me met à varier la fréquence et la hauteur de ma voix, jusqu'à entendre un grésillement très léger. Je bloque alors le son sur cette onde précise et amplifie grandement son intensité. Invisible mais destructrice, une vague sonore traverse l'espace jusqu'à atteindre le bras mécanique de l'étrange humain.

Si j'ai à peu près compris comment cet être fonctionne, nul doute qu'il aura plus de mal à utiliser son bras après une telle perturbation, dont il doit encore chercher à comprendre le fonctionnement.

J'en profite alors pour me propulser en avant, coupant brusquement mon chant pour charger mon adversaire. Ma jambe balaye le sol, se soulève, emportant avec elle un long jet de sable qui se dirige vers son visage. L'énergie sombre recouvre mon tibia ainsi que mon pied et frappe de tout mon poids dans les côtes du robot.

Voyons si, cette fois, il parvient à se relever.

Engagé sur la voix du sang, l'Ingénieur ne comptait pas s'arrêter là. Pourtant alors que l'enfant combatif s'excitait, son partenaire parvint à toucher sa curiosité. Un art ancestral ? Sourcil droit arqué, il observait l'ouverture de la gueule géante. Un son dénué de toute harmonie, un grésillement lui rappelant son passé, le bruit des machines ? Son fluide perceptif avait beau crié "au feu", Elijah resta planté sur place.
Silence total, il eut été presque déçu. Sauf que son bras gauche tomba le long de son corps, la transmission énergétique soudainement interrompue laissant le membre bionique ballant. Coïncidence ?

« Aya ! C'est... C'est toi qu'as fait ça ? »

Pas le temps d'attendre une réponse, le Haki de l'observation se mit à vibrer. S'il ne pouvait bouger son bras, le blondinet gardait la maîtrise du reste de son corps. Son adversaire avait bien évidemment l'avantage sur le plan physique. Sa taille, ses muscles, et même ce fluide noirâtre recouvrant sa peau, cela suffirait largement à briser le métal. Toutefois pourquoi craindre ce qui ne pouvait l'atteindre ?
Plier la jambe gauche, glissement du pied droit, Elijah se retrouva contre le sol, son torse parallèle au sable, il passa de justesse sous l'énorme tibia. L'air projeté fit virevolter son manteau, témoin de la puissance de ce monstre marin. Pourtant le cyborg ne perdait pas son sourire. Attrapant sa planche, il bondit sur le côté. Sortir de l'ombre du colosse, les moteurs du Ragtime hurlaient déjà. L'ingénieur s'élança de nouveau dans les airs, une bonne dizaine de mètres le séparant désormais de sa cible.

« Vraiment pas mal ton petit chant là... Tu m'expliques ? »

La curiosité scientifique l'emportait sur l'instinct combatif, pourtant il n'oublia pas la situation. Main organique posée sur le membre bionique, il utilisa son fluide perceptif pour analyser les dégâts. La transmission énergétique avait été compromise, un changement microscopique au niveau des transmetteurs... Etait-ce seulement possible ? Rien d'irréversible heureusement, un redémarrage du système, et des lumières réapparaissaient. Cela prenait du temps, mais la voix des airs lui en offrait à foison.

« Pour le coup me voilà intrigué, quel est ton nom l'dauphin ? »

Ouvrir et fermer le poing, petit tour de poignet, le bras gauche reprenait du service. Elijah pointa alors la paume de sa main vers l'homme-poisson, usant de son membre organique pour stabiliser son bras tendu.

« Moi en tout cas j'suis Elijah, et je vais aussi te montrer quelque chose. »

La poitrine du cyborg se mit alors à luire, une lumière bleutée inondant son bras, tandis que l'hoverboard le maintenait paisiblement en l'air. Accumulation, condensation de la lumière, puis ajustement du tir.


Un condensé de lumière s'extirpa de sa main. Condensé de photons, épais, violent, un torrent lumineux se dirigeait vers Tohora. Pas aussi destructeur qu'un rayon plus fin, cet assaut se voulait plus... Percutant. Une douche de photon capable de bruler la peau, comment réagirait-il à ce cadeau ?

Résumé: