Invité
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Ven 6 Mai - 6:28
Ronnie avait le teint pâle et la mine basse. Ses traits étaient tirés, tordus et ridés. L'intégralité de ses muscles lui faisait mal et il ressentait presque la douleur dans ses membres mécaniques. Il était misérable, abattu, terrassé. Un homme brisé qui errait sans but, piégé par les colonnes glacées d'un labyrinthe hivernal.
- Je trouve que t'en fais un peu trop. Quel manque de classe, capitaine. On est entrés depuis cinq minutes.
- Oui, bah my balls sont en train de geler, Atlas ! Facile de se moquer des autres, you're a cat !
- Tiens, attrape ce manteau. Si tant est qu'on puisse véritablement qualifier cette... chose, de manteau.
- Atlas, c'est un fucking miracle ! J'ai chaud !
Atlas, le plus précieux des Minks, secoua la tête de gauche à droite, déjà fatigué par son capitaine. Il avait été missionné par les autres membres de Pool and the Gang pour accompagner le capitaine en excursion. Il avait pour tâche de l'empêcher de se perdre, ce qui serait facile pour un navigateur, mais également de l'empêcher de faire des bêtises. Ce qui devenait tout de suite plus compliqué.
- Well, Atlas, je sais que t'as déjà une fourrure, but ici il gèle alors hop, put that manteau sur toi.
- JAMAIS ! TU ME VERRAS MORT AVANT !
Ronnie se décomposa devant le petit chat qui avait bondi en arrière, les griffes sorties, le poil hérissé sous son costume trois pièces, feulant dans sa direction. Il se passa une main derrière la tête en se souvenant de la rigueur vestimentaire de son navigateur et jeta le manteau de fourrure gris - beige - brun qu'il tenait dans ses mains, sifflotant comme si rien ne s'était passé. Dès qu'on parlait de mode, ce petit animal était une véritable terreur.
Lorsqu'il se fut calmé, le visage rougi par une légère honte de s'être ainsi laissé aller à ses réflexes primitifs, Atlas déplia la carte que le guide à l'entrée leur avait fourni contre monnaie sonnante et trébuchante et commença à s'orienter à travers le dédale de glaces. Cinq minutes passèrent où il avançait en direction de la guilde la plus proche, dans l'espoir de se débarrasser de son capitaine au comptoir d'une taverne. Quand il se retourna, il constata avec effarement que c'était déjà fait. Ronnie n'était plus là.
Atlas revint sur ses pas, alarmé par la disparition du cow-boy, qui faisait preuve d'un étonnant manque d'autonomie pour son âge et son rang. Il ne lui fallut tourner qu'une seule fois pour le retrouver, planté face à l'une des gigantesques colonnes de glace qui jalonnaient le parcours.
- CAPITAINE ! PAR LA !
Pas de réponse, étonnant. Soufflant comme un boeuf, Atlas se rapprocha jusqu'à taper l'épaule de son capitaine. Celui-ci ne se retourna pas et émit le même genre de grognement qu'il faisait quand il refusait de se réveiller. Atlas fit le tour de Ronnie pour le secouer les yeux dans les yeux, quand il fit une effarante découverte.
-AH ! A'la' ! 'on 'au'eu' ! 'e' 'e ho' d'i'i !
- Tu mériterais vraiment que je te laisse là. Et dire qu'il y en a qui t'appellent "Grand Corsaire", ah. Tu parles.
Ronnie Rocket était incapable de parler car il avait la langue collée à la glace. Comme tous les enfants de son âge, il avait testé de lécher les parois et s'en était vu puni. A la seule différence que Ronnie avait 31 ans et que ce n'était plus du tout de son âge. Sans compter que, depuis, peu, il était devenu l'une des figures de l'équilibre du monde, un des 7 Grands Corsaires qui terrifient les mers.
Atlas entreprit alors de verser de l'eau tiède sur la zone de contact, libérant ainsi son capitaine et, pour la journée, son fardeau. Il avait l'impression de s'être porté volontaire pour un baby-sitting, sauf que le bébé était poilu et fumait le cigare.
- Ah, thanks mate! Sans toi j'étais foutu, j'ai cru que c'était ma last hour ! Borururururu !
Le rire enfantin de Ronnie se répercuta dans tous les murs de la caverne et se prolongea un moment dans les profondeurs du labyrinthe. Atlas les fit tourner deux fois à gauche, trois à droite et ils arrivèrent à une toute première guilde qui portait fièrement le nom de: Pari-Cochon. Atlas avait un pressentiment douteux sur l'endroit et avait entendu des rumeurs sur les moeurs libérées de certains de ces bâtiments, mais il avait besoin d'une boisson et vite.
Il poussa la porte et se retrouva dans un gigantesque hall de plus de sept mètres de haut, où les cris et les chants résonnaient déjà. Sur la droite, un bar gigantesque, sculpté à même la glace, s'étendait. Atlas soupira et partit s'y asseoir, commandant un lait-whisky à la grande surprise du barman. Aussitôt fût-il servi qu'un changement d'ambiance lui glaça le sang. Il ne connaissait qu'une personne capable de faire se taire une taverne entière. Puis il entendit le bruit caractéristique d'une boule de billard qui en frappait une deuxième. Suivi comme toujours du doux bruit de la boule qui atterrit dans une des poches. Atlas se prit la tête dans les mains et ses traits se déformèrent jusqu'à l'horreur, créant la panique chez le barman.
- Hé, le chat ? Tout va bien, p'tit père ?
Atlas releva la tête et empoigna le barman par le col, se soulevant lui-même jusqu'à être debout sur le comptoir. Il approcha son front de celui du barman, qui ne passait décidément pas le meilleur quart d'heure de sa vie.
- Vous avez des billards, bande de demeurés ? DES BILLARDS ? Vous vous rendez compte de ce que vous venez de faire, je...
- YEE-HAH ! Listen, bande de cerveaux congelés ! Je suis bon et généreux alors, come to me ! Si l'un d'entre vous parvient à defeat me, je lui offre son poids en alcool ! YEE-HAH !
La mission "ne pas perdre Ronnie" avait été un succès. La mission "empêcher Ronnie de faire des bêtises", en revanche, était un échec cuisant. Le sang glacé, les mains tremblantes et la mâchoire affaissée, Atlas avait peur. Il comprenait qu'à partir de ce stade, il n'y avait plus de retour en arrière. Ronnie allait briser cette île en deux.