Carnage de Noël [présent/ les immortels]

Elle était à l'affût, à l’affût du lutin. Pour être tout à fait exact, c’était ses subalternes qui guettaient, après tout, c’était une tâche à leur mesure, mais pas à celle de Mama Bark. Elle, elle sirotait tranquillement un thé sur un atoll non loin de Valhalla. Elle avait  L’ilot charmant, du sable blanc un palmier solitaire, et surtout l’absence totale de personnes suceptibles de l’agacer. Hormis Gulliver, cet insupportable fier à bras, de sa voix absurdement forte, avait vociféré son envie de s’en prendre au petit Fujin Un homme tout aussi vulgaire que lui, tout aussi bon à aboyer et à se battre qu’un chien bâtard et galeux. Comme pour chasser l’image du matamore, elle s'époussette avec délicatesse les lèvres et bois une gorgée de “perles d’or matinale”. Elle jette un coup d’oeil à sa montre délicatement ciselée dans l’argent le plus pur, il est inconcevable de faire attendre une dame. Gamin, son chat ouvre un oeil, elle lui caresse l’oreille, et l’animal ronronne.

Mama Bark ne se déplace jamais, ce sont les autres qui se déplacent pour Mama. Mais parfois, il faut faire le travail par soi -même, si l’on ne veut pas être déçu. Elle attendait beaucoup de Spike, non ça n’irait pas, ce nom manque d’élégance, même les chiens sont dotés de noms plus chics. A compter de ce jour, il deviendra Donovan Ramirez de La Mancha. Dans son cœur, il existe une petite place pour les tontattas, ces adorables petits poupons, si naïfs, si petits si adorables. Elle en avait adopté plusieurs, Donovan sera le prochain. Elle leur avait fait bâtir une maison de poupée dans sa résidence. Elle leur avait donné un nom, un rôle, une histoire, un caractère, une identité. Les personnes sont malléables entre ses doigts, elles deviennent ce qu’elle désire, ne deviennent plus rien. Donovan serait un charmeur, un beau diable élégant qui séduira assurément les autres tontattas, sauf bien sûr Walter Hoppenheimer, le viril. Elle s’est créé un petit monde, le sien, dans cette maison de poupée. Elle pourrait passer des journées à regarder ces adorables petits tontattas se déchirer,  se plaire, se trahir, s’aimer. Surtout quand ils suivent le son de sa baguette. Donovan serait la pièce maîtresse de sa “maison réalité”.

Elle lui avait confectionné de ses mains une adorable tenue. Bien entendu, elle n’avait pas concrètement participé au travail de couture, une tâche bien en dessous de sa condition. Elle avait simplement insufflé l’étincelle intellectuelle à ses petites mains. D’une part en leur demandant avec précision de suivre ses désirs, d'autre part en leur laissant imaginer le pire châtiment, si la tenue n'atteint pas ses attentes. C’est alors qu’un de ses subalternes, un homme terriblement musclé, en justaucorps qui mettait parfaitement en valeur sa plastique, surgit a ses côtés pour lui annoncer la nouvelle.

-La cible approche Madame Bark !
-La cible ?
-Oui, le lutin.

D’un geste furieux, elle lui propulse sa tasse à la figure.

-Tu t’es cru à la chasse, à l’armée ? Petit con, j’aurais du te laisser à Daze, On dit, le tontatta n’attends plus que vous, madame Bark !
-Le Tontatta n’attend plus que vous Madame Bark !

Elle le foudroye du regard, et d’un geste impérieux met ses troupes en ordre des batailles, sur un bateau exquis, plus fait pour profiter de la croisière que de la réelle pointe de vitesse. Après tout, il est inutile d’aller vite, il suffit juste d’arriver le premier. Le chat baille, s’étire et d’un bond soyeux attire sur les épaules de Mama Bark. Le navire prend le large, certes, le lutin était dans un submersible, mais cela causera sa chute… ou pour le moins sa remontée. Il est certain qu’un autre qu’elle, disposant d’un tant soit peu de patience, ou de sens d’honneur, aurait défié les immortels en duel, mais il n’en était rien pour Mama Bark. C’était l’une des raisons qui faisait qu’elle était si redoutée. Contrairement à ses comparses, elle ne faisait pas de discours, d'esbroufe ou de concours, non, elle allait à l’essentiel. Et aller à l’essentiel, consiste à ne donner aucun coup de semonce, mais déchaîner les démons de l’enfer pendant qu’ils sont en pause thé, et que son ennemi dort encore.

Sachant exactement où se trouve le Scylla, elle saute gracieusement sur le beaupré de son bâtiment. D’un claquement dégaine son fouet, et le chargeant de ses intentions, elle fouette la surface de l'océan en y projetant toute son autorité. Elle articule un mot, un seul, et sous elle, terrifiés une série de rois des mers et autres monstres marins sortent de leur torpeur. Nouveau coup de fouet, encore plus royal, accompagné d’un nouveau mot. Alors comme un seul homme, les monstres chargent sur le navire de l'empereur pour le décoller de la surface tandis qu’une vague de haki royal traverse les fines cloisons du Scylla projetant une bonne partie de son équipage dans le royaume des songes.

Tous les autres, qui n’ont pas encore sombré dans l’inconscience, sombrent eux dans une forme de culpabilité honteuse mêlée de franche anxiété. Comme revivant des scènes de leur enfance, où leur mère se tenait devant eux, les grondant, et les traitant de moins que rien, les privait de sorties, manger ou toute autre activité plaisante. Car oui, voilà comment Mama Bark a fait sa réputation, elle représente toutes les mères courroucées du monde, et les belles mères aigries. A ses yeux, tous ne sont que des mauvaises graines, des sales gosses, des gamins à mater. Si bien que son être transpire littéralement cette peur maternelle et cette honte qui fait plonger les cœurs dans les abysses.


Mama Bark n’est certainement pas téméraire, elle attend donc la mine serrée l’émersion du sous-marin, comptant intérieurement chaque seconde, qui deviendra des heures de supplices pour les inconscients qui ne plieront pas l’échine instantanément. Son index compte la mesure d'une musique que elle seule peut entendre tandis que lentement, le Scylla prend de la hauteur porter sur la crâne d'un énorme poisson qui fixe la mère de toutes choses, le regard implorant.

Spoiler: