RP !

Un pas après l'autre, Kyo marcha lentement jusqu'à arriver au milieu d'arbres renversés, devant John qui gisait là, silencieusement. Le Cuisinier plongea sa main gauche dans les poches et prit de quoi se rouler une cigarette, un exercice périlleux pour un homme dont les bras étaient encore malmenés par l'effort surhumain et répété auquel ils avaient été soumis.

"En temps normal, je n'ai que faire du camp auquel chacun appartient. Chacun vit sa vie comme il l'entend et je ne suis pas un justicier."

Kyo avait rompu le silence par quelques mots. Il en profita pour allumer sa clope et en tira une latte salvatrice, source d'apaisement et de repos après une rude odyssée.

"Pourquoi avez-vous choisi de faire brûler toute cette végétation ? Quel était votre but ici ?"

La mélodie que proposa aussitôt les feuillages secoués par la brise nocturne fut la seule réponse qui parvint au Civil. Soupirant, le Maître Kebabier prit sur son épaule John, qui semblait alors inconscient et le ramena avec lui. Muraille du petit village franchi, il se mit à sourire en voyant l'Amiral, qui semblait lui aussi bien esquinté.

"Je suppose que vous cherchiez cet homme. Il est tout à vous, Maniel."

Kyo déposa le criminel aux côtés de sa complice et souffla, avant de tirer une autre latte, écrasant ensuite le mégot dans le cendrier portable qu'il gardait toujours sur lui. Regard porté sur les villageois qui le dévisageait, il observa un instant sa tenue et se mit à rire de bon cœur.

"Kebhahahaha ! J'étais déjà à moitié nu, mais mon pauvre short aussi a bien dégusté. Quelle aventure… Cela m'a ouvert l'appétit, puis-je vous emprunter de quoi cuisiner, braves villageois ?"

Difficiles furent les négociations, mais le Cuisinier obtint gain de cause et se mit, tout souriant à l'œuvre, ne ménageant aucunement ses efforts malgré son état. Ainsi, viandes, légumes, épices, du riz qui constituait une partie importante de l'alimentation de ces autochtones fut revisité en une recette de curry. La viande de Kebab, parfaitement assaisonnée se maria à merveille au curry qui vint recouvrir le riz, qui se gorgea allègrement de sauce. Simple, mais parsemé de mélanges complexes, apportant une nouvelle dimension à un plat familial.



Une marmite suffisante pour nourrir un régiment, et un feu de camp, réunissant les villageois qui dansaient autour du feu ainsi que les Marines et le Civil. Ce dernier mangeait tranquillement, attentif à la joie et au soulagement des habitants de l'île.

Un joli dénouement en somme.

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Pendant que les officiers de la Marine faisaient tour à tour leur apparition, Kyo étudiait avec attention les ingrédients naturels qui avaient été mis à sa disposition. Big Garden était ce genre de sanctuaire paradisiaque pour un aventurier, où les défis étaient nombreux.

Mais pour un Cuisinier, l'endroit était une source quasiment infinie d'inspiration pour de nouvelles recettes. Des plantes si similaires par moment, avaient en réalité chacune des propriétés complètement différentes et une panoplie de saveurs absolument gargantuesque.

Tantôt sucrée, pour apporter cette pincée de douceur dont le curry avait besoin, tantôt mentholée pour provoquer l'équivalent de la tornade aqueuse mais de saveurs cette fois-ci, tantôt épicée mais sur des tempos différents à chaque bouchée.

Toutes ces découvertes se retrouvèrent intégrées dans le plat qui était servi et le Maître Kebabier lui-même, se découvrait un certain enthousiasme à y goûter personnellement.

"Délicieux !"

Il se remis à l'oeuvre, préparant une dose non épicée de cette recette et en servit à Kirara, tout en gratifiant sa boule de poil préférée d'une caresse sur la tête, Kyo se retourna pour pouffer de rire, discrètement devant le brouhaha provoqué par la fine équipe de l'Amiral, avant d'orienter subtilement le regard ailleurs, lorsque l'un d'eux parla des éventuelles conséquences de sa pirouette aqueuse de tantôt.

Souriant lorsque Maniel lui apporta à boire, il accepta avec joie et trinqua, à cette épopée inattendue et rythmée, et à cette rencontre qui relevait du destin. Il leva machinalement son verre pour sceller ce toast et écouta le Marine avant de répondre.

"Kebhahahaha ! Vous avez été tout aussi méritant mon brave. Si ce village est encore intact, ainsi que ses habitants, c'est aussi grâce à vous. L'incendie, puis le déluge d'eau, on a réussi à minimiser ensemble les dégâts… Félicitons nous de ce succès et soufflons, enfin."

Des courbatures et des bras en compotes, quelques blessures superficielles par-ci par-là, mais surtout une fatigue qui commençait à peser sur les épaules. Un lit… ah, quel confort douillet, souhaitable à bien des égards. Kyo haussa les épaules et se mit à rire de bon cœur. Son regard tomba sur ses genoux, où Kirara avait posé ses bagages pour le restant de la nuit, et caressa son compagnon de voyage qui profitait d'un sommeil bien mérité.

"Vous avez une bien belle équipe, Maniel. Immortalisons ce moment tiens ! Permettez-moi de photographier ce tableau de choix, kebhahaha !"

Le Kebabier prit l'escargophone qui lui permettait d'ordinaire, d'alimenter les réseaux sociaux tels que la Presse avec de belles photographies de sa clientèle et de son établissement. Vidant son verre d'une traite, Kyo se releva soigneusement en portant Kirara dans ses bras et en libéra un, pour poser l'appareil photo vivant sur un rondin de bois en hauteur.

"Mesdames, messieurs, rassemblez-vous autour de moi, photographie de groupe dans trente secondes !!"

La foule s'activa sans crier gare, se rassemblant devant l'objectif. Certains portaient encore leurs verres, d'autres leurs assiettes, d'autres encore avaient les joues gonflées de nourriture, ce qui arracha un sourire moqueur et espiègle au Cuisinier qui prit sa meilleure pose.

RP !

L'ambiance était festive, ci et là, les verres étaient vidés d'une traite et la photographie semblait avoir animé les villageois et les Marines d'une énergie nouvelle, d'un second souffle que le Cuisinier observait calmement tout en vidant un nouveau verre de liqueur.

Un peu de calme et un soupçon de repos pour son corps, voilà une chose qu'il lui fallait, détail nécessaire et indispensable à son bon rétablissement, quelque chose que son instinct lui dictait, en se privant d'un quelconque avis médical.

Pourtant, Kyo souriait devant ce spectacle amusant, toisant la scène avec intérêt. Lorsque vint son tour d'animer la scène, passant après une poignée de premiers volontaires, il haussa les épaules et se leva, jusqu'à rejoindre le centre de cette joyeuse troupe.

Pas à pas, le silence s'installa. Le regard des spectateurs se dirigea vers l'acteur principal de sa partie du spectacle. Allait-il raconter une histoire ? Chanter ? Sourire espiègle naissant de nouveau sur son visage, il tapa soudainement du pied, en rythme et jeta un regard aux autochtones qui suivirent le mouvement de leurs instruments.

(Intro)
Yo, yo, yo, écoutez bien, ça va péter,
L'histoire de Kyozaburo, la légende à respecter,
Paysan de naissance, mais chef cuisinier du Shogun,
Avec Enma, sa lame, toujours prêt à foncer.

(Couplet 1)
Le Kebab, sa création, il y a huit cents piges,
Faisant vibrer les papilles, aucun autre ne l'égale,
Kyozaburo, sur les mers, il s'attaque aux brigands,
Terrassant géants et pirates, il est puissant et mordant.

(Refrain)
Kyozaburo, le chef qui fait trembler les cieux,
A travers le pays de Wa, il fait briller les yeux,
Energique et combatif, il laisse personne derrière,
Sa cuisine, son épée, il déchaîne l'enfer.

(Couplet 2)
Pour les démunis, il cuisinait avec passion,
Partageant son talent, sa générosité sans question,
Kuri, Kibi, Hakumai, il a tout exploré,
Udon et Ringo, le Kebab, il a fait vibrer.

(Refrain)
Kyozaburo, le chef qui fait trembler les cieux,
A travers le pays de Wa, il fait briller les yeux,
Energique et combatif, il laisse personne derrière,
Sa cuisine, son épée, il déchaîne l'enfer.

(Bridge)
Son histoire s'écrit avec des lettres de feu,
Un héros du peuple, un guerrier valeureux,
Kyozaburo, le nom qu'on crie, qu'on célèbre,
Sa cuisine et sa force, l'ennemi il achève.

(Couplet 3)
Un jour, il quitte le pays de Wa, déterminé,
A peaufiner le Kebab, le monde entier émerveillé,
Avec Enma à ses côtés, il affronte vents et marées,
Son courage et sa fougue, aucun obstacle ne peut l'arrêter.

(Refrain)
Kyozaburo, le chef qui fait trembler les cieux,
A travers le pays de Wa, il fait briller les yeux,
Energique et combatif, il laisse personne derrière,
Sa cuisine, son épée, il déchaîne l'enfer.

(Outro)
Rappelle-toi de Kyozaburo, le guerrier cuisinier,
Dans les annales de l'histoire, son nom est gravé,
Sa quête pour le Kebab parfait, on n'oubliera pas,
Dans le pays de Wa, sa légende vivra.

Lâchant le micro imaginaire, le Blond laissa de nouveau le silence s'installer, le bruit des feuillages portés par le vent accompagna le son de son briquet qui alluma une nouvelle cigarette qu'il porta à ses lèvres. Apothéose, euphorie du public qui se mit à applaudir et siffla la prestation improvisée du Maître Kebabier.

Révérence tirée par une courte inclinaison, il rejoignit la foule et retrouva sa place assise.

"Kebhahahaha ! Me voilà réduit à utiliser le langage des voyous en survêtement Lacoste, le "rap",  pour animer la scène. Mais ma foi, je me suis bien amusé."

RP !

Assis en retrait tel le spectateur qu’il était, Kyo ne put se retenir de rire en écoutant la discussion entre l’Amiral et ses compagnons de route. Était-il si mal en point pour avoir besoin de conseils médicaux, et quel était le rapport avec son tabagisme ? Quelque part, au fond de son cœur, il ne put réprimer l’image lointaine de la figure maternelle qu’il n’avait que peu connu. Assurément, cette escapade sur Big Garden était un voyage culinaire passionnant, mais c’est bien ces quelques instants de paix et de divertissement en compagnie d’autres personnes qui rendaient cette Odyssée aussi riche et précieuse pour le Maître Kebabier.

Kirara était profondément endormie, et Kyo soupira avant de se lever, faisant quelques pas vers les représentants de la Marine.

« Chers représentants de la Marine, je tiens à vous remercier de votre aide précieuse ayant permis la sauvegarde de ce précieux sanctuaire naturel. »

Le tablier rose était étonnamment ressorti intact de toute cette aventure, mais le reste de ses vêtements étaient en lambeaux. Il tourna les talons et s’avança vers Maniel, à qui il tendit une main tout en souriant.

« J’aurais aimé rester discuter de tout et de rien comme nous le faisions plus tôt, mais la route m’appelle de nouveau. Ce fut un plaisir, Amiral ! »

Le Civil jeta un dernier coup d’œil aux deux prisonniers, avant de se retourner.

« Nous nous reverrons certainement, je l’espère, dans des circonstances qui nous ménageront un tant soit peu, kebhahahahaha ! En attendant ce jour, œuvrez pour assurer le bien-être des personnes et de la nature qui peuple cette île. Je ne devrais pas dire ça, mais puisque c’est vous, je ferai une entorse à mes principes, en tant que spectateur. »

Quelques pas pour marquer un brin de distance. Le Kebabier avait le regard perçant en soulignant son propre avis. Un dernier commentaire, une marque de son passage.

« Si un jour, une énième décision des régisseurs de ce Monde venait à ébranler votre esprit et vos convictions, alors écoutez votre cœur et prenez du recul quant à votre position sur l’échiquier. La noirceur, autant que possible en symbiose avec l’ombre du Monde dans laquelle elle se cache, ne saurait dissimuler éternellement la puanteur des entrailles qui la compose. Mes portes vous seront ouvertes, Maniel, rappelez-vous-en. »

Sur ces quelques mots énigmatiques, Kyo poursuivit sa marche, disparaissant dans la forêt voilée de noir.